Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Myriam demande la garde exclusive. La juge aux affaires familiales en charge du dossier accorde une garde partagée au père, ne sachant pas identifier le contrôle coercitif d’Antoine. Julien, leur petit garçon, va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive. Sorti le 7 février 2018 en France, le film de Xavier Legrand Jusqu’à la garde, nous fait vivre la réalité de la violence post-séparation. Sollicité pour répondre aux questions de Gwénola Sueur le réalisateur nous plonge au coeur du processus de création d’une oeuvre exceptionnelle.
Gwénola Sueur : Les violences conjugales post-séparation affectent un nombre important de femmes et d’enfants et la séparation représente un risque accru de dangerosité. Ainsi en 2017 en France 131 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-compagnon, essentiellement par arme à feu. 13 enfants ont été tués en même temps que leurs mères. Dans votre remarquable film vous illustrez ce que de nombreuses études, et notre expertise du terrain révèlent, à savoir des lacunes dans l’identification de la violence conjugale en contexte post-séparation par le système socio-judiciaire, avec cette audience en ouverture du film dans le bureau de la juge aux affaires familiales. Xavier Legrand pourquoi abordez-vous cette thématique des violences post-séparation pour votre premier film ?
Xavier Legrand : Parce que c’est une tragédie, une pandémie dans notre société. Comment continuer à accepter que ce fléau persiste, sans que rien n’évolue ?
En tant que citoyen, je me sens directement concerné par ce grave problème, et ce, d’autant plus parce que je suis un homme. C’est pourquoi j’ai choisi d’aborder cette thématique pour mon premier film : par urgence, car elle ne pouvait, en aucun cas, attendre le deuxième ou le troisième.
Gwénola Sueur : Denis Ménochet ne joue pas mais incarne véritablement cet homme violent, Antoine, qui n’accepte pas la séparation conjugale et instrumentalise systématiquement l’exercice conjoint de l’autorité parentale pour maintenir son contrôle sur son ex-femme Myriam (Léa Drucker). Comment et auprès de qui vous êtes vous informés tous les trois pour documenter de manière aussi didactique le contrôle coercitif post-séparation, véritable terrorisme intime occulté par notre société ?
Xavier Legrand : Il y a eu un long moment de recherches pendant lequel je me suis documenté avec plusieurs supports. Tout d’abord des ouvrages comme Violences Conjugales et Parentalité d’Édouard Durand (éditions de l’Harmattan) qui a été très précieux pour comprendre ce problème particulier. J’ai consulté de nombreux témoignages de femmes ayant été victimes d’hommes violents, des études sociologiques, des livres d’études psychologiques sur la manipulation et/ou la perversion narcissique (Marie-France Hirigoyen, Isabelle Nazare-Aga…). Je me suis nourri de nombreux documentaires et émissions consacrées à la violence conjugale. Puis, après être passé par des fictions qui abordent également ce sujet, j’ai décidé d’aller sur le terrain : j’ai rencontré des anciennes victimes qui m’ont raconté leurs histoires, j’ai assisté à des groupes de parole d’hommes auteurs de violence, j’ai suivi une Juge aux Affaires Familiales pendant plusieurs jours, j’ai passé des nuits dans un Centre d’Informations et de Commandement de Police Secours.
Il me fallait entrer concrètement dans la peau de la violence conjugale. Toute cette expérience m’a servi à construire les personnages depuis l’écriture jusqu’au tournage avec les acteurs.
Gwénola Sueur : Nous avons travaillé pendant plusieurs mois à l’élaboration du rapport du Centre Hubertine Auclert sur les enfants co-victimes de la violence conjugale. Julien (Thomas Gioria) sert véritablement de bouclier humain, comme dans un conflit armé, pour protéger sa mère. Afin de rompre l’emprise Myriam (Léa Drucker, incroyable de justesse tout au long du film) refuse catégoriquement de voir Antoine, seule manière de résister au contrôle post-séparation et à la violence. Juste après la décision du juge aux affaires familiales, elle décide de ne pas présenter l’enfant. Pour construire votre script Xavier Legrand avez-vous rencontré des enfants exposés à la violence conjugale ainsi que des mères séparées ? Que vous ont-ils appris ?
Xavier Legrand : Oui, j’ai rencontré beaucoup de femmes comme je le disais plus haut. Je n’ai pas pu rencontrer les enfants. La plupart des mères craignaient de les perturber encore plus ou parce que cela aurait pu avoir des répercussions négatives sur une situation qu’elles jugeaient déjà assez anxiogène. J’ai en revanche rencontré quelques adultes qui ont été des enfants otages ou enfants boucliers.
Tous ces précieux témoignages m’ont appris beaucoup de choses importantes, dans lesquelles on retrouve des schémas communs dans toutes leurs histoires. La peur, l’anxiété, la pression, l’anticipation du danger est le quotidien de ces personnes.
Après la séparation, les femmes sont comme immobilisées dans leur vie. Les enfants sont les seuls liens qui les « ligotent » à leurs anciens agresseurs prêts à tout pour les empêcher de continuer à reconstruire leur vie.
Ces hommes ont choisi la violence pour exercer un pouvoir sur leurs femmes qu’ils jugent leur appartenir. Quand la séparation survient, c’est un échec pour eux et ils ne supportent pas de perdre l’emprise sur celles qu’ils ont réussi à contrôler par la peur et par la terreur pendant plusieurs années. Au point où, lorsqu’ils comprennent qu’ils ne parviendront pas à les récupérer, ils préfèrent les savoir mortes que vivantes sans eux. Unis « jusqu’à ce que la mort les sépare », ils préfèrent donc que ce soit la mort qui les sépare plutôt qu’elles qui auront décidé de mettre un terme à leur union.
Avant d’en arriver à ces situations extrêmes, ce sont des jours et des nuits de harcèlements, de menaces, de pressions qui surviennent majoritairement au moment des échanges de week-end entre les deux parents. La vengeance survient sur des histoires d’horaires, d’affaires oubliées ou à récupérer, d’évènements qui surviennent pendant le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, mettant les enfants au centre de la guerre.
Chez les enfants, on constate qu’il y a plusieurs comportements selon les âges et les sexes. Chez les garçons, soient ils reproduisent la violence en s’identifiant à l’agresseur qui aura réussi à retourner l’enfant contre leur mère, soit ils développent un syndrome d’hyper-vigilance, essayant à tous prix de protéger la mère de l’agresseur. (C’est la résultante que j’ai choisi pour construire le personnage de Julien). Chez les filles, il y a plus un phénomène de fuite. Beaucoup d’entre elles fuient une cellule familiale pour en créer une autre précocement. J’ai été assez frappé par la récurrence de ce schéma (c’est pourquoi le personnage de Joséphine dans le film est construit en intrigue secondaire, puisqu’elle n’est pas directement concernée par la question de la garde, en revanche, son comportement est directement lié à la crise que traverse sa famille).
Gwénola Sueur : Myriam (Léa Drucker) n’a pas suffisamment de preuves, retire une plainte sous la pression de l’agresseur et refuse de déposer plainte quand Antoine a un nouvel acte de violence envers elle : « ça ne sert à rien ». Nous constatons sur le terrain cette difficulté d’apporter la preuve mais aussi que malgré des condamnations pour violences domestiques des pères obtiennent malgré tout des DVH classiques, des résidences alternées voire des gardes exclusives. Que vous inspirent ces situations Xavier Legrand et comment à votre avis remédier à ces mises en danger de la vie d’autrui ?
Xavier Legrand : Je pense fondamentalement qu’il y a le pouvoir des mots et des définitions. Ils sont très importants puisqu’ils construisent des sens. Le problème vient de la nomination « violence conjugale » qui veut dire littéralement « violence entre conjoints ». Par cette définition, on indique que le violence est tournée vers le conjoint et non vers les enfants. C’est donc (soit disant) un problème de conjugalité et non de parentalité.
En découle alors une question : Un conjoint violent peut-il être un bon parent ? C’est ce que notre société suppute, donc les décisions judiciaires cristallisent cette théorie : « un mari violent peut être un bon père ». Pour ma part, cette théorie est un mythe. Tant que la société, la mentalité collective pensera cela, nous ne parviendrons pas à avancer et à protéger les enfants.
Je citerai une phrase d’Édouard Durand qui m’a suivie tout le long du processus de création de mon film : « La mère peut protéger l’enfant et c’est à la société qu’il revient de protéger la mère.» Tant que les plaintes des femmes victimes de leurs conjoints ne seront pas sérieusement prises en compte dans la question parentale, tant que les retraits de plainte ne seront pas compris comme la résultante d’une menace supplémentaire, d’une peur d’alimenter la violence de l’agresseur et ses représailles, le chien se mordra la queue indéfiniment et tous les trois jours, dans notre pays, une femme sera assassinée, et sans doute ses enfants s’ils sont présents au moment des faits.
Gwénola Sueur : En 2013 des pères sont montés sur des grues pour revendiquer leur droit à l’enfant. Le film Kramer contre Kramer que vous citez a inspiré en France des débats en faveur des droits des pères. Dans un article accordé à Richard Mowe vous déclarez être allé dans des groupes de parole d’hommes violents. Un chercheur américain, Evan Stark, fait l’hypothèse que dans ces groupes de parole les hommes perfectionnent leurs tactiques de contrôle « sans acte physique de violence ». Qu’avez-vous avez constaté dans ces groupes d’hommes et comment avez-vous réussi à vous détacher de la rhétorique des militants de la cause paternelle priorisant la garde partagée même en cas de violences conjugales en s’appuyant sur des théories sans fondement scientifique comme le syndrome d’aliénation parentale pour museler les victimes ?
Xavier Legrand : Ces groupes de paroles sont très instructifs pour comprendre la pathologie des sujets mais il est vrai que je doute de leur efficacité. Le problème est que ces hommes sont dans le déni de leur violence et se considèrent comme étant les victimes de ces femmes qui ont décidé de les quitter ou qui les menacent de le faire. La plupart d’entre eux viennent « pointer » plutôt que de résoudre leur problème. Une thérapie n’a d’effet que si le sujet comprend qu’il a un problème profond à résoudre et qu’il veut s’en sortir. Je suis navré d’être aussi trivial dans ma comparaison mais c’est comme pour arrêter de fumer : si le sujet n’a pas conscience de son addiction et qu’il n’a pas véritablement la volonté de s’en sortir, il continuera à chercher quelque bouffées autour de lui, puis à quémander une cigarette avant de finalement retourner au bureau de tabac pour acheter un autre paquet et recommencer. Peu d’hommes courageux comme Frédéric Matwies, auteur du livre Il y avait un monstre en moi : témoignage d’un ex-mari violent (éditions Michalon) ont réussi à prendre conscience de leur problème et ont été habité par un véritable désir de changer. Si on en revient encore au pouvoir des mots, on remarque que dans le titre du livre que je viens de citer, il y a le terme « monstre ». Je crois que là aussi il y a quelque chose d’intéressant à constater.
Paradoxalement, même si la société semble finalement favoriser la continuation de l’exercice de la violence de ces hommes par certaines décisions judiciaires (en maintenant un DVH, considérant qu’un homme violent peut être un bon père), la société considère également ces hommes comme des monstres.
Les campagnes luttant contre les violences conjugales s’adressent aux femmes pour les protéger, ce qui est normal. Mais quel message envoient-elles à ces hommes ? Toutes les affiches mettent en scène une femmes avec des hématomes, terrorisée, larmes aux yeux, alors qu’en premier plan il y a le poing serré d’un homme qui la menace. Une campagne a même montré un homme avec une main poilue dotée de griffes, comme celle d’un « monstre » justement. Ces hommes ne peuvent se reconnaître. Ils ne peuvent accepter d’être vu comme des monstres par la société puisqu’ils se sentent eux-mêmes des victimes. Tant que la société considèrera ces hommes comme des monstres, ces hommes ne changeront pas. Comme un réflexe de protection, ils considèrent que les situations décrites dans ces mises en scène ne correspondent pas à leur réalité. Ils ne sont pas « ce monstre » et ne peuvent prendre conscience de leur problème avec un tel regard sur eux qui les rejette. Ces hommes ont choisi la violence car ils se sont construits sur des valeurs patriarcales, valeurs que notre société a elle-même fabriquées. Il faut que notre société accepte que ce sont des hommes et non pas des monstres dénués d’humanité. Il faut que nous acceptions que notre humanité compte aussi ces hommes construits sur cette violence afin qu’eux mêmes se regardent autrement et acceptent de s’en déconstruire et de s’en détourner. Le jour où les campagnes qui luttent contre les violences conjugales s’adresseront directement aux hommes peut-être que les choses prendront une autre tournure. Le jour où notre gouvernement développera aussi des moyens concrets pour prendre en charge ces hommes, peut-être que nous arriverons à faire évoluer les choses.
Pour ce qui est de la cause paternelle et de ces manifestations des « papas en colère », il est tout d’abord important de signaler une étude de la sociologue Aurélie Fillod-Chabaud datant de 2013 qui démontre que ces mouvements ne représentent qu’un échantillon infime de pères qui sont surreprésentés dans les médias. Aujourd’hui, même si notre société évolue au niveau de l’égalité des sexes et que son regard sur la paternité a changé (j’entends par là, l’évolution du congés de paternité, les systèmes qui favorisent l’implication paternelle dans l’éducation, les pères qui aujourd’hui n’ont plus de problème à pousser un landeau dans un parc sans que cela n’atteigne leur « image virile »), il est quand même intéressant de noter que dans la majorité des divorces ou séparations, les pères ne réclament pas la garde exclusive, et que la requête de la garde partagée évolue chez eux de façon tout de même assez lente.
Ces « papas en colère » qui contestent les décisions judiciaires en proclamant que la justice est toujours du côté de la mère et lui attribue toujours tous les droits, ne se basent sur aucune réalité, mais seulement du point de vue de leur propre revendications et de leur situation particulière propre.
Je suis allé sur le terrain. J’ai assisté pendant plusieurs jours à des audiences de conciliation auprès d’une Juge aux Affaires Familiales. Je peux vous assurer que les requêtes des pères qui veulent plus qu’un DVH classique, c’est-à-dire une garde alternée, une demande de résidence principale ou une garde exclusive est loin d’être majoritaire. Bien sûr, on ne peut occulter que certains pères ont été véritablement lésés dans leurs droits paternels à cause de fausse allégations de certaines femmes qui ont tout fait pour leur retirer leurs enfants. Ce phénomène rare, mais réel, a aussi envenimé d’autres situations plus douloureuses. C’est un cancer qui se propage sur la table des Juges aux affaires familiales qui parfois, vont avoir tendance à détecter une aliénation parentale de la part de la mère, alors que celle-ci est vraiment victime de violence conjugale ainsi que ses enfants réellement victimes de maltraitance. Dans le film, on voit bien que lorsque la Juge demande avec ironie « Lequel des deux ment le plus ? », elle est alors tiraillée par cette problématique qui va forcément et malheureusement orienter sa décision.
C’est pourquoi la mise en place de la garde alternée ou partagée par défaut est dangereuse, et n’est aucunement efficace dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Chaque famille traverse une histoire particulière, et chacune de ces histoires particulières ne peut trouver leur résolution dans une seule organisation de vie.
Gwénola Sueur : Lors de la diffusion de votre film, en France et à l’étranger pouvez-vous nous raconter quelles furent les réactions du public (femmes et hommes) et de la presse après avoir visionné votre film ? En ce qui concerne les journalistes ont-ils pris conscience que l’histoire que vous racontez sous la forme d’un thriller psychologique est bien la réalité de nombreuses femmes après la séparation ?
Xavier Legrand : Le film a été très bien reçu tant par le public français et étranger que par les critiques du monde entier. Les gens sont tous très émus de voir et de réaliser que ces situations, malheureusement quotidiennes sont aussi terrifiantes.
C’est ainsi que le film s’est d’ailleurs construit : une situation banale, quotidienne qui bascule dans la terreur voire l’épouvante. C’est, je crois, à la fois la reproduction très réaliste et crédible d’un sujet de société complexe et l’utilisation d’une réelle proposition de cinéma qui a pu rassembler les différents publics ainsi que les gens férus de cinéma ou les spécialistes en la matière.
C’est la cohérence du fond et de la forme que j’ai essayé de tenir du début à la fin de mon travail qui a sans doute opéré chez tout le monde. J’ai eu un grande manifestation de reconnaissance, tant chez les femmes que les hommes, qui m’ont dit :« Bravo pour le film mais surtout merci de faire un film sur ça et comme cela. » J’ai détecté comme une libération, une catharsis, notamment chez les gens qui ont vécu des situations similaires. Plusieurs personnes (hommes et femmes encore) m’ont dit avoir trouvé dans le film des mots, des sensations qu’ils avaient enfoui au plus profond d’eux-mêmes. Beaucoup m’ont dit « j’ai vécu cela », « j’ai été cette femme-là », « j’ai été cet enfant », une jeune femme m’a même dit : « vous avez parfaitement reconstitué ma vie avec ma mère et mon petit frère ».
Il y a parfois des réactions qui montrent que les mentalités ont encore besoin d’évoluer. Certains hommes et certaines femmes ont eu le réflexe de me dire que la femme était majoritairement responsable de ce qu’il lui arrive. « Elle l’a poussé à bout ». Un homme m’a déclaré : « Oui, mais elle l’a quitté ! ». Le patriarcat a malheureusement encore de bons jours devant lui.
Les journalistes ont parfaitement compris mon propos. Le film traverse en effet le genre du thriller tout en étant ancré dans la réalité. C’est visiblement un style qui n’est pas évident dans le cinéma français selon eux.
La presse a été généreuse et valorisante. Ils ont tous compris qu’il y avait non seulement une proposition cinématographique particulière mais aussi un film qui abordait un sujet qu’il était absolument important et urgent de mettre en lumière. Toutefois, il ne s’agit pas des mêmes journalistes qui remplissent les cases des faits divers dans nos quotidiens locaux.
Le problème du meurtre conjugal post-séparation est encore très mal compris par ces journalistes qui écrivent leurs articles dès le lendemain des faits (qui se passent tous les deux jours et demi partout dans notre pays), en ayant recours au champ lexical de la folie et/ou de la jalousie. Cette colonne des faits divers a souvent un arrière-goût amer et indigeste du crime passionnel. Ce ne sont pas des crimes d’amour mais des assassinats, des exécutions. « Tu me quittes, je te tues ». Je ne vois absolument pas où est l’amour dans cette rhétorique. Il serait vraiment temps que les choses changent aussi de ce côté-là.
Gwénola Sueur : Nous pensons que Jusqu’à la garde pourrait devenir un outil de formation pour mieux identifier la violence post-séparation et expliquer cette peur qu’éprouvent les victimes, sentiment et sensation difficilement mesurables et entendables par les travailleurs socio-judiciaires. Ce film devrait sans doute être diffusé à l’École Nationale de la Magistrature et dans les IRTS (Instituts régionaux des travailleurs sociaux) qui blâment et punissent des mères puisque leur résistance au contrôle coercitif post-séparation est mal interprétée. Qu’en pensez-vous et seriez-vous prêt éventuellement à traiter une suite dans un autre film ?
Xavier Legrand : Si le film peut devenir aussi un outil pédagogique et devenir le sujet d’une réflexion qui peut ouvrir les débats, cela serait sans doute une très bonne chose.
Le cinéma est une fenêtre sur le monde. Il ne peut sans doute pas le changer, mais il peut changer notre regard sur lui.
Bien sûr, je suis pour que ce film remplisse également cette mission s’il le peut. Jusqu’à la garde va d’ailleurs faire l’objet d’une projection-débat à la Maison du Barreau de Paris en mai 2018. Nous verrons ce qui en résultera.
Pour ce qui est d’une suite, je ne pense pas. Mon projet initial était de faire une trilogie de court métrages. Finalement cette trilogie s’est transformée en un court métrage intitulé Avant que de tout perdre et un long métrage Jusqu’à la garde. S’il y a une suite, pour le moment je l’ignore encore. Et s’il elle survient, ce ne sera pas pour tout de suite.
Pour en savoir plus :
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- Un article essentiel de Patrizia Romito, « Les violences conjugales post-séparation et le devenir des femmes et des enfants »
- « Le point de vue des enfants et des adolescents » par Simon Lapierre, Isabelle Côté, David Buetti, Amélie Lambert, Geneviève Lessard et Marie Drolet
- Une interview de Gwénola Sueur à propos du film, « Violence post-séparation : le père aux trousses » ainsi que « Piégées », la version longue et remaniée de cette interview
- Un focus sur les violences post-séparation par Gwénola Sueur
Gwénola Sueur, 5 mai 2018